La sécheresse extrême de cette année complique à nouveau l’implantation des couverts végétaux dans de nombreuses régions, alors que ceux-ci représentent un levier agronomique majeur pour évoluer vers un système plus solide face aux aléas climatiques. Ils constituent aussi un des principaux facteurs d’amélioration du bilan carbone. Voici quelques pistes pour maximiser la réussite de vos couverts dans ces conditions.
Semer le plus tôt possible
Comme Matthieu Archambeaud (d’Icosystème) le mentionnait dans le premier épisode du podcast Radio Carbone consacré aux couverts végétaux, semer le plus tôt possible (derrière la récolte) est généralement un facteur de succès. Si les techniques adéquates sont employées, un couvert semé tôt, même dans le sec, fait généralement déjà de la racine qui permet une valorisation maximale des premières pluies, et accumule des sommes de température fondamentales pour son développement futur. En attendant la première averse pour semer, on court le risque d’une moindre valorisation de l’eau, dans un horizon de surface qui va rapidement se ré-assécher.
En semis direct
L’utilisation d’un semoir de semis direct à dents fines de semis direct est dans de nombreuses situations la technique maximisant la qualité de l’implantation (intervention rapide, conservation de l’humidité résiduelle…). En conditions sèches, rouler les semis améliorera par ailleurs le contact sol-graine et refermera la ligne efficacement. Cette orientation “semis direct” nécessite par ailleurs une très bonne répartition des pailles et menues pailles, qui peut être complétée par un passage de herse à paille ou d’un déchaumage très superficiel (moins de 5 cm).
Semer profond
Une profondeur de semis importante de 4 à 5 cm est idéale pour optimiser la levée. En effet, à cette profondeur les graines ne germeront pas tant que le profil n’aura pas été suffisamment ré-humecté, ce qui par la suite réduit les risques de dessèchement des plantules. En semis direct, avantage encore une fois au semoir à dents en conditions sèches qui pénètre plus facilement la surface du sol que des disques.
Si un déchaumage très superficiel peut permettre de maintenir le peu de fraîcheur dans le sol et limiter l’évaporation par remontées capillaires (comme un binage), attention à ne pas descendre sous la profondeur de semis et veiller à placer les graines sur le fond de travail. Le cas de figure le plus défavorable pour un semis d’été est une succession déchaumage profond qui assèchent le sol suivi d’un semis superficiel dans un sol complètement sec (exemple des semis de colza 2021).
Les implications du semis tardif
Si le semis tardif ne peut être évité (contraintes techniques, logistiques..), il est préférable de repousser la date de destruction après l’hiver, afin que le couvert ait le temps de remplir sa fonction de protection et de structuration des sols. Si le couvert est constitué d’une bonne part de légumineuses, il se détruira facilement et rapidement et sera par ailleurs capable de relarguer de la fertilité pour la culture qui suit. Les espèces adaptées pour le semis tardif sont par exemple l’avoine, la phacélie, la féverole, le lin, la vesce velue, la moutarde, le radis… Sont par contre à éviter toutes les espèces typées ”été” comme le tournesol, le sorgho, le moha, les trèfles…
Autre clé de réussite : la diversification des couverts
La diversification des espèces semées est également un levier clé de réussite des couverts. Quatre à cinq espèces différentes sont souvent considérées comme un minimum pour assurer un développement et une couverture optimale quelles que soient les conditions de l’année. Pour constituer le mélange, le principe général d’association est de diviser la dose de semis en pur de chaque espèce du mélange par le nombre d’espèces présentes dans le mélange, en adaptant éventuellement les densités en fonction de la vitesse de croissance (sous-dosage des crucifères ou sur-dosage des légumineuses).

Focus : les avantages face à la hausse des prix des engrais
Dans le contexte de hausse du prix des engrais, rappelons finalement un des avantages majeurs de l’implantation d’un couvert d’interculture: la restitution de nutriments pour les cultures qui suivent. Prenons l’exemple d’un couvert “biomax” constitué de radis (2 kg), phacélie (2 kg), pois (20 kg) et vesce (12 kg). Il convient bien pour les implantations de mi à fin août pour une interculture d’automne et d’hiver. S’il produit 3 tonnes de matière sèche, il fournit en moyenne (simulation avec le logiciel MERCI) l’équivalent de 110 kg d’azote, 15 kg de phosphore et 115 kg de potassium aux cultures suivantes (dont 41 kg d’azote disponible pour la culture suivante), ce qui représente plus de 250 € en “équivalents fertilisants”, phosphore et potassium compris.Les couverts sont possibles en conditions sèches
Les conditions sèches que nous observons actuellement impactent les dates de semis des couverts végétaux cette année mais ils restent réalisables. Certains ont pu semer directement à la fin de la moisson mais pour ceux qui n’ont pas encore pu commencer, d’autres scénarios sont possibles pour mettre en place les couverts.
Nous sommes confiants dans leurs implantations possibles dans les semaines qui viennent. En plus de leur impact favorable dans un bilan carbone, les apports en nutriments fournis par les couverts en font, encore plus que jamais, un allié incontournable, à conserver dans le contexte actuel de la hausse des prix des engrais.
L’équipe des agronomes de Soil Capital
Matthieu Delespesse, Gilles Duhaubois, Max Morelle et Nicolas Verschuere
Légende de la première photo: champ d’orge en juillet 2022, Meuse (55). Crédit: Maud Lesure
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