Dans le cinquième épisode du podcast Radio Carbone, la question de l’irrigation des couverts végétaux dans les contextes estivaux arides est abordée. Cela représente potentiellement un enjeu crucial, dans le sud de la France en particulier, où les échecs répétés de l’implantation des couverts ont entraîné leur délaissement par un certain nombre d’agriculteurs. Or la couverture du sol est cruciale dans ces régions, et les couverts placés dans les intercultures, souvent longues, est un levier central pour ramener du carbone au sol et contrer la tendance globale d’assèchement.
Le cas de Nicolas dans les Alpes-de-Haute-Provence : comment optimiser l’irrigation des couverts végétaux?
Nicolas, agriculteur dans les Alpes-de-Haute-Provence (04) engagé dans le programme carbone Soil Capital, a bien compris l’intérêt pour la pérennité de son système de maximiser le développement des couverts. Il irrigue ses cultures, et se pose des questions quant à l’intérêt d’apporter également de l’eau sur ses couverts. Plus largement, il se demande quel est l’impact d’un couvert végétal productif en interculture sur le bilan hydrique total, et s’inquiète d’un risque de concurrence vis-à-vis de la ressource en eau entre le couvert et la culture suivante.
Recommandations d’Icosystème : une irrigation utile en cas de sécheresse tout en adaptant la date de destruction
Pour Benoît Chorro, agronome et formateur chez Icosystème, un couvert d’interculture productif améliore le bilan hydrique à court terme (amélioration de l’infiltration et réduction des pertes par évaporation) et long terme (augmentation de la capacité de rétention). Un apport d’eau pour favoriser la levée des couverts est donc utile en cas de sécheresse prolongée, et la concurrence sur l’eau pourra être évitée en choisissant judicieusement la date de destruction.
Un levier de réussite parmi d’autres
Sous les climats méditerranéens, certaines situations sont défavorables à la levée des couverts, comme “les semis d’été plusieurs jours après la moisson, qui ne bénéficient pas des remontées d’eau par capillarité”. Dans ce contexte, si l’on investit environ cent à cent cinquante euros dans un couvert (semis + semences), pour Benoît Chorro, il est clairement stratégique d’apporter vingt-cinq à trente millimètres afin d’assurer le retour sur investissement. Cependant, il insiste sur le fait que cet apport d’eau doit uniquement servir à faire lever le couvert en cas de sécheresse prolongée. Par la suite, les pluies d’orage suffisent pour répondre aux besoins des plantes. Benoit Chorro rappelle cependant que c’est un ensemble de facteurs qui contribue à atteindre l’objectif de démarrage d’un couvert végétal, c’est-à-dire une levée rapide avec une bonne densité et une bonne homogénéité pour éviter le salissement des parcelles :
- La profondeur de semis: jusqu’à cinq centimètres, quelque soit la taille des graines
- Roulage du semis: favorise le contact sol-graine et améliore la qualité de l’irrigation
- Choix des espèces: privilégier celles qui ont une bonne capacité de germination en condition de stress hydrique, comme les vesces pourpres et velues, ou le trèfle incarnat pour les légumineuses, ou encore la moutarde d’abyssinie, le nyger et la caméline. Éviter le tournesol et le mélilot plus difficile à faire germer. Par ailleurs, les graminées en C4* (maïs ou encore sorgho) peuvent produire des biomasses importantes en conditions sèches, et l’avoine brésilienne assure une prospection racinaire en profondeur favorisant l’infiltration.
*plante ayant un mécanisme de photosynthèse particulier adapté à un climat chaud comme le sorgho ou le maïs

Des bénéfices pour le bilan hydrique…
Benoît Chorro explique qu’en terrain séchant, la couverture végétale du sol permet d’une part d’augmenter l’efficacité de la pluviométrie en améliorant l’infiltration, et d’autre part de mieux valoriser l’eau en réduisant l’évaporation. L’agronome rappelle également qu’une augmentation d’un pourcent de matière organique améliore en moyenne de dix pourcents la réserve utile (RU). A long-terme, la production de biomasse et l’apport de carbone au sol sont cruciaux pour augmenter la capacité de rétention du sol.
à condition de bien choisir la date de destruction
Pour que la consommation d’eau du couvert n’impacte pas le développement de la culture de rente, Benoit Chorro souligne que la date de destruction doit faire l’objet d’un “arbitrage en fonction des besoins de la culture suivante, la météo à venir et la réserve utile théorique du sol”. En premier lieu, il insiste sur la nécessité d’observer le sol, et en particulier l’enracinement du couvert et l’état de structure/humidité. Dans les sols à relativement faible réserve utile comme ceux de Nicolas, il peut être judicieux de détruire le couvert d’hiver environ trois semaines ou un mois avant l’implantation des cultures de printemps. Dans d’autres contextes plus favorables, Benoit Chorro explique cependant que l’on parvient à semer certaines cultures directement dans les couverts en place, mais cela exige par ailleurs une maîtrise technique et de l’équipement spécifique.
Optimiser l’irrigation de ses couverts végétaux
L’irrigation est, pour Benoît Chorro, un outil supplémentaire pour assurer la réussite des couverts et doit s’inscrire dans une stratégie agronomique globale. Ce qui est certain, c’est que la maximisation de la couverture du sol n’est pas du tout antagoniste de la disponibilité en eau. Au contraire, plus les sols seront couverts et plus la production de biomasse est importante, plus ils seront capables de stocker et infiltrer de l’eau. Pour Benoît Chorro, cela démontre une fois de plus que régénération des sols et production sont complémentaires.
Légende première image : Couvert de phacélie en fleur à Meux en Belgique. Crédit : Maxime Alaurent, Juin 2022.
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