Blog

Discutons carbone

Temps de lecture :

Introduire des légumineuses dans les couverts pose-t-il un risque sanitaire sur les cultures de protéagineux ?

par | Déc 13, 2022 | Blog, Radio Carbone

Dans le septième épisode du podcast Radio Carbone, nous nous intéressons aux risques sanitaires liés à l’utilisation des légumineuses en couverts d’interculture, dans les rotations comportant déjà des protéagineux. En effet, l’intégration de légumineuses dans les rotations, sous forme de cultures de rentes (pois protéagineux, féverole, luzerne…) ou de cultures de services (plantes associées, couverts d’intercultures) présentent de multiples intérêts tels que la fin de la rotation, la fixation symbiotique d’azote, et le développement des mycorhizes. L’utilisation de certaines espèces dans les couverts doit faire l’objet d’une attention particulière, afin de ne pas favoriser l’émergence ou le maintien de certaines maladies affectant les cultures de rentes.

Question d’Alain en Charente-Maritime

Alain, agriculteur en Charente-Maritime (Nouvelle-Aquitaine), est engagé dans le programme carbone Soil Capital. Il se demande si augmenter la part de légumineuses dans ses couverts végétaux pourrait poser un risque sanitaire pour ses cultures de protéagineux (18 % de sa SAU en 2022).

Recommandations d’Icosytème vis-à-vis des légumineuses

Gilles Sauzet répond à Alain en soulignant l’importance de la connaissance du potentiel infectieux de son sol et du choix des espèces et variétés utilisées. Selon l’expert, l’attention doit être portée à deux maladies fongiques en particulier: l’aphanomyces et le botrytis.

Aphanomyces 

L’aphanomyces (Aphanomyces euteiches) est une pourriture racinaire affectant des légumineuses telles que la lentille ou le pois. Les symptômes sont une chlorose des feuilles et plus globalement une dégénérescence des plantes qui peuvent occasionner des pertes importantes.

Gilles rappelle tout d’abord que la rotation est le premier levier pour préserver l’état sanitaire du sol: si un délai de minimum 5 ans est souvent préconisé avant de revenir avec un protéagineux sensible (voir encadré) sur une même parcelle, il conseillé d’étendre cette période de retour à 7 ans si des espèces sensibles sont également incluses dans les couvert. Par ailleurs, Gilles recommande vivement de réaliser un test sol pour connaître le potentiel infectieux des parcelles. Les notes de potentiel infectieux (PI) varient de 0 à 5:

  • PI < 1 : parcelle peu ou pas infestée (pathogène globalement non détecté)

Possible d’intégrer des légumineuses en couverts associés ou interculture, en privilégiant tout de même des espèces (ou variétés) résistantes du fait de la présence de protéagineux sensibles dans la rotation.

  • 1 < PI < 2,5 : parcelle moyennement infestée

Des dégâts peuvent apparaître sur des protéagineux de printemps comme le pois et la lentille. Il faut donc choisir des espèces résistantes à très résistantes dans les couverts associés ou en interculture.

  • PI > 2,5 :  parcelle fortement infestée (présence avérée de l’inoculum)

Présence de légumineuses non résistantes totalement déconseillées. Si intégration de légumineuses en association ou dans les couverts d’interculture, opter pour des espèces telles que la féverole, le lupin ou le fenugrec.

En l’absence de test sol, Gilles préconise d’utiliser uniquement des espèces/variétés résistantes à très résistantes.

Classification de quelques espèce de légumineuses en fonction de la sensibilité à l’aphanomyces

  • Espèces sensibles (plantes hôtes qui multiplient le pathogène): pois, lentille, luzerne, certaines variétés de trèfles, vesces, gesses, haricots vert et rougeEspèces non hôtes: pois chiche, lupin, lotier, fenugrec
  • Espèces hôtes mais résistantes: féverole, soja et sainfoin
  • Espèces sensibles à variétés résistantes: trèfle d’Alexandrie (var. Tabor), trèfle incarnat, trèfle violet, trèfle blanc, vesce commune

Voir publication de Terre Inovia et Arvalis (2017)

Botrytis

Le botrytis (Botrytis cinerea) est une maladie aérienne affectant principalement la féverole. Les plantes atteintes présentes de nombreuses petites taches brunes. La maladie se développe par temps humide et doux, et les spores sont transportés par le vent.

Pour Gilles, le principale risque se présente dans le cas des féveroles semées et levées précocément, par exemple en début d’été dans un couvert d’interculture, qui peuvent contaminer en hiver une féverole destinée à être récoltée située dans une parcelle voisine. Le risque est accru lorsque les féveroles de rente sont semées précocement et avec une forte densité. Si la situation se présente, Gilles recommande de détruire le couvert précocement.

Conclusion

La présence de certaines légumineuses dans les couverts d’interculture ou comme plantes associées peut contribuer à maintenir des pathogènes affectant des cultures de protéagineux, en particulier l’aphanomyces. Cependant, à condition d’un choix d’espèces et variétés adaptées, et d’une surveillance (dans la mesure du possible) du potentiel infectieux du sol, le risque peut être grandement limité, voire éliminé. Le risque maladie est donc un critère d’attention, et non pas d’exclusion, des légumineuses en couverts dans les systèmes de cultures comportant des protéagineux.

Légende première image : Culture de pois dans la Vienne, juin 2022.

YouTube player

Pour continuer la réflexion : https://agriculture-de-conservation.com/Couverts-vegetaux-et-maladies-1.html

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Pour en savoir plus sur le programme carbone