Comment optimiser l’irrigation des couverts végétaux dans les Alpes-de-Haute-Provence ?

Comment optimiser l’irrigation des couverts végétaux dans les Alpes-de-Haute-Provence ?

Dans le cinquième épisode du podcast Radio Carbone, la question de l’irrigation des couverts végétaux dans les contextes estivaux arides est abordée. Cela représente potentiellement un enjeu crucial, dans le sud de la France en particulier, où les échecs répétés de l’implantation des couverts ont entraîné leur délaissement par un certain nombre d’agriculteurs. Or la couverture du sol est cruciale dans ces régions, et les couverts placés dans les intercultures, souvent longues, est un levier central pour ramener du carbone au sol et contrer la tendance globale d’assèchement. 

Le cas de Nicolas dans les Alpes-de-Haute-Provence : comment optimiser l’irrigation des couverts végétaux?

Nicolas, agriculteur dans les Alpes-de-Haute-Provence (04) engagé dans le programme carbone Soil Capital, a bien compris l’intérêt pour la pérennité de son système de maximiser le développement des couverts. Il irrigue ses cultures, et se pose des questions quant à l’intérêt d’apporter également de l’eau sur ses couverts. Plus largement, il se demande quel est l’impact d’un couvert végétal productif en interculture sur le bilan hydrique total, et s’inquiète d’un risque de concurrence vis-à-vis de la ressource en eau entre le couvert et la culture suivante. 

Recommandations d’Icosystème : une irrigation utile en cas de sécheresse tout en adaptant la date de destruction

Pour Benoît Chorro, agronome et formateur chez Icosystème, un couvert d’interculture productif améliore le bilan hydrique à court terme (amélioration de l’infiltration et réduction des pertes par évaporation) et long terme (augmentation de la capacité de rétention). Un apport d’eau pour favoriser la levée des couverts est donc utile en cas de sécheresse prolongée, et la concurrence sur l’eau pourra être évitée en choisissant judicieusement la date de destruction.

Un levier de réussite parmi d’autres

Sous les climats méditerranéens, certaines situations sont défavorables à la levée des couverts, comme “les semis d’été plusieurs jours après la moisson, qui ne bénéficient pas des remontées d’eau par capillarité”. Dans ce contexte, si l’on investit environ cent à cent cinquante euros dans un couvert (semis + semences), pour Benoît Chorro, il est clairement stratégique d’apporter vingt-cinq à trente millimètres afin d’assurer le retour sur investissement. Cependant, il insiste sur le fait que cet apport d’eau doit uniquement servir à faire lever le couvert en cas de sécheresse prolongée. Par la suite, les pluies d’orage suffisent pour répondre aux besoins des plantes. Benoit Chorro rappelle cependant que c’est un ensemble de facteurs qui contribue à atteindre l’objectif de démarrage d’un couvert végétal, c’est-à-dire une levée rapide avec une bonne densité et une bonne homogénéité pour éviter le salissement des parcelles :

  • La profondeur de semis: jusqu’à cinq centimètres, quelque soit la taille des graines
  • Roulage du semis: favorise le contact sol-graine et améliore la qualité de l’irrigation
  • Choix des espèces: privilégier celles qui ont une bonne capacité de germination en condition de stress hydrique, comme  les vesces pourpres et velues, ou le trèfle incarnat pour les légumineuses, ou encore la moutarde d’abyssinie, le nyger et la caméline. Éviter le tournesol et le mélilot plus difficile à faire germer. Par ailleurs, les graminées en C4* (maïs ou encore sorgho) peuvent produire des biomasses importantes en conditions sèches, et l’avoine brésilienne assure une prospection racinaire en profondeur favorisant l’infiltration.

*plante ayant un mécanisme de photosynthèse particulier adapté à un climat chaud comme le sorgho ou le maïs

Couvert multi-espèces. Décembre 2019

Des bénéfices pour le bilan hydrique…

Benoît Chorro explique qu’en terrain séchant, la couverture végétale du sol permet d’une part d’augmenter l’efficacité de la pluviométrie en améliorant l’infiltration, et d’autre part de mieux valoriser l’eau en réduisant l’évaporation. L’agronome rappelle également qu’une augmentation d’un pourcent de matière organique améliore en moyenne de dix pourcents la réserve utile (RU). A long-terme, la production de biomasse et l’apport de carbone au sol sont cruciaux pour augmenter la capacité de rétention du sol.

à condition de bien choisir la date de destruction

Pour que la consommation d’eau du couvert n’impacte pas le développement de la culture de rente, Benoit Chorro souligne que la date de destruction doit faire l’objet d’un “arbitrage en fonction des besoins de la culture suivante, la météo à venir et la réserve utile théorique du sol”. En premier lieu, il insiste sur la nécessité d’observer le sol, et en particulier l’enracinement du couvert et l’état de structure/humidité. Dans les sols à relativement faible réserve utile comme ceux de Nicolas, il peut être judicieux de détruire le couvert d’hiver environ trois semaines ou un mois avant l’implantation des cultures de printemps. Dans d’autres contextes plus favorables, Benoit Chorro explique cependant que l’on parvient à semer certaines cultures directement dans les couverts en place, mais cela exige par ailleurs une maîtrise technique et de l’équipement spécifique.

Optimiser l’irrigation de ses couverts végétaux

L’irrigation est, pour Benoît Chorro, un outil supplémentaire pour assurer la réussite des couverts et doit s’inscrire dans une stratégie agronomique globale. Ce qui est certain, c’est que la maximisation de la couverture du sol n’est pas du tout antagoniste de la disponibilité en eau. Au contraire, plus les sols seront couverts et plus la production de biomasse est importante, plus ils seront capables de stocker et infiltrer de l’eau. Pour Benoît Chorro, cela démontre une fois de plus que régénération des sols et production sont complémentaires.

Légende première image : Couvert de phacélie en fleur à Meux en Belgique. Crédit : Maxime Alaurent, Juin 2022.

Comment se préparer pour mettre en place du maïs semences en Techniques Culturales Simplifiées ou semis direct ?

Comment se préparer pour mettre en place du maïs semences en Techniques Culturales Simplifiées ou semis direct ?

Dans le quatrième épisode du podcast Radio Carbone, Benoit Chorro, agronome et formateur chez Icosystème, répond à Pascal, agriculteur dans le Puy-de-Dôme (63) engagé dans le programme carbone Soil Capital.

Le cas de Pascal dans le Puy-de-Dôme : la simplification du travail du sol en maïs semences

Pascal se demande dans quelle mesure la simplification du travail du sol est-elle possible en maïs semences, sans impacter le rendement ni la qualité, tout en évitant d’augmenter la consommation d’herbicides. La simplification du travail du sol, qui permet de minimiser la minéralisation de la matière organique et ainsi améliorer le bilan carbone, pose en effet un certain nombre de défis techniques pour l’implantation des cultures de printemps (lit de semences, fertilité, réchauffement, humidité et gestion des adventices). 

Recommandations d’Icosystème : le strip-till, préparer la ligne de semis en laissant l’inter-rang intact

Pour Benoît Chorro, la technique du strip-till est la plus adaptée pour ce type de culture, même s’il rappelle que la réduction du travail du sol est avant tout une question d’état du sol avant d’être un questionnement technique, et ne peut donc s’envisager qu’après un diagnostic de structure précis du sol.

Commencer par observer et diagnostiquer

Benoit Chorro insiste sur le fait que si elle est mise en place dans des conditions inadéquates, “la simplification du travail du sol comporte une série de risques, dont le salissement des parcelles ou des échecs d’implantation des cultures, qu’il ne faut pas sous-estimer”. Il faut donc en premier lieu réaliser un diagnostic de structure à l’aide d’un test bêche, un profil 3D ou encore une fosse pédologique. Les deux conditions à réunir sont:

  • Une bonne verticalité, permettant la circulation de l’air et de l’eau et ne présentant pas d’obstacles physiques au développement racinaire
  • Une structure de surface grumeleuse pour constituer un bon lit de germination.

Si ces deux conditions ne sont pas respectées, le travail mécanique peut aider à rétablir un meilleur contexte de germination et de développement de la culture.

Le compromis du strip-till

Lorsque le sol est bien structuré, la simplification du travail du sol est tout à fait envisageable. Si le semis direct du maïs (semences ou grain) dans des couverts vivants reste une technique peu répandue compte tenu des limites des matériels de semis direct dans ces conditions (présence de débris…), le strip-till, qui consiste à préparer la ligne de semis tout en laissant l’inter-rang intact, montre de très bons résultats dans des couverts vivants.

Le couvert de féverole est généralement favorisé, car cette espèce est sensible au gel, est caractérisée par des résidus noirâtres qui favorisent le réchauffement du sol et fixent l’azote de l’air. Cette couverture de légumineuse permet par ailleurs un meilleur contrôle des adventices grâce à la formation d’un paillage, et peut fournir entre trente et quarante unités d’azote à la culture suivante lors de sa dégradation. Le strip-till permet de créer des conditions hyper favorables à la croissance du maïs (structure, évacuation des débris et réchauffement) mais il ne faut pas négliger l’intérêt d’une fertilisation localisée au semis pour pallier la minéralisation moindre en travail du sol ultra simplifié.

Exemple d’itinéraire d’implantation typique de maïs en strip-till

Benoit Chorro donne finalement l’exemple d’un itinéraire d’implantation typique de maïs en strip-till dans un couvert de féverole, dans le contexte du sud-ouest de la France:

  • Semis d’un couvert relais de féverole au mois de novembre
  • Pré-traçage des rangs de maïs environ un mois avant le semis de la culture.
  • Semis du maïs au semoir monograine dans les rangs pré-travaillé (RTK Real-time kinematic positioning* nécessaire), avec si besoin un apport d’engrais localisé dans la ligne de semis (entre dix et vingt unités d’azote et de phosphore).

La féverole est généralement détruite après le semis du maïs chimiquement ou par roulage. Noter également que plusieurs types de préparation des bandes sont possibles en fonction du type de sol principalement. En sol limoneux, l’utilisation d’une dent à environ quinze à vingt centimètres est possible, mais dans les sols argileux seuls les éléments de travail superficiels peuvent être utilisés au printemps.

*technique de positionnement par satellite

Le strip-till : la solution pour le maïs semence

A condition d’avoir un sol bien structuré, le strip-till est la solution technique la mieux maîtrisée pour implanter du maïs en minimisant le travail du sol, car elle permet de combiner couverture végétale et faible perturbation du sol, tout en sécurisant la levée et le développement du maïs. 

Légende première image : Rang de maïs semé après strip-till. Résidus de paille non exportés chez Dominique Gaborieau à Genouillé. Crédit : Lara Millan, Juin 2022.

Limaces et mulots en non-labour, quelles solutions ?

Limaces et mulots en non-labour, quelles solutions ?

Dans le troisième épisode du podcast Radio Carbone, la gestion des limaces et petits rongeurs est abordée.  En Agriculture de Conservation des Sols, la réduction du travail du sol et la présence de résidus en surface peut en effet parfois entraîner leur prolifération.

Le cas de Nicolas en Eure-et-Loir : comment gérer les limaces et petits rongeurs?

Nous apportons une réponse à Nicolas,  agriculteur en Eure-et-Loir (28) engagé dans le programme carbone Soil Capital, qui constate des dégâts importants sur ses cultures de colza et pois, ainsi que dans ses couverts végétaux. Il se demande comment limiter la pression de ces ravageurs sans devoir intensifier le travail du sol ni augmenter sa consommation de produits phytosanitaires.

Recommandations d’Icosystème : une gestion multifactorielle des ravageurs

Selon Benoît Chorro, agronome et formateur chez Icosystème, la gestion des limaces et petits rongeurs doit être multifactorielle, en combinant des leviers à l’échelle du système de culture et des itinéraires techniques.

Abaisser le rapport C/N (rapport Carbone sur Azote) des résidus

Pour limiter la pression des limaces, Benoit Chorro insiste en premier lieu sur l’équilibrage de la ration du sol à l’échelle de la rotation. Les céréales à paille installent un contexte favorable au développement des limaces, car les pailles constituent un environnement très carboné qui va inciter ces ravageurs à se tourner vers la biomasse vivante (culture ou couvert végétal) au rapport C/N plus faible. L’intégration de légumineuses, ou les échanges paille-fumier sont donc des moyens efficaces pour réduire le rapport C/N des résidus et accélérer la transformation de la matière organique riche en carbone.

Un premier levier technique : la gestion des pailles

Au niveau technique, Benoit Chorro évoque tout d’abord la gestion des pailles et des menues pailles. Lorsqu’on les broie, il est important de bien les répartir, et éventuellement de procéder à un léger mulchage pour accélérer la dégradation des pailles si le sol n’est pas capable de les assimiler suffisamment rapidement. Le mulchage, tout comme les passages de herse à paille, est généralement efficace pour lutter contre les limaces (et petits rongeurs), mais perturbe également leurs prédateurs naturels (carabes, staphylins), dont la croissance de la population pour atteindre un équilibre naturel de régulation peut prendre plusieurs années.

Un autre levier technique : la gestion du semis

Ensuite, Benoit Chorro évoque la modification des dates de semis. Les premiers stades de développement des cultures étant les plus sensibles, semer à une période favorable à la croissance végétative peut réduire la nuisibilité. En automne, avancer un peu la date de semis permet aux céréales d’atteindre rapidement des stades de moindre sensibilité que lorsque les semis sont effectués plus tard dans la saison, où les conditions froides ralentissent la croissance. Au printemps, la tendance est plutôt au retardement des semis pour assurer un démarrage rapide dans des conditions de réchauffement et de fertilité plus favorables.

En colza, toujours dans le but d’assurer une démarrage rapide de la culture, une fertilisation localisée au semis peut être appliquée. Benoit Chorro mentionne également l’implantation de plantes compagnes (féveroles, trèfles, vesces, gesses, nyger, caméline…) avec le colza qui peut dans certains cas détourner une partie des limaces vers ces plantes de service.

Favoriser les ennemis naturels des rongeurs

Sans travail du sol, le seul moyen d’empêcher les pullulations de rongeurs est de favoriser ses prédateurs naturels (rapaces, renards). Dans les parcelles, le broyage des pailles offre un meilleur accès au sol aux rapaces, qui dans des pailles hautes risqueraient de se blesser. Autour des parcelles, Benoit Chorro conseille de disposer des perchoirs pour permettre aux rapaces de se reposer et guetter leurs proies.

Vue en coupe aérienne-racinaire chaume de blé. Crédit : Thomas Lecomte, septembre 2020

Des méthodes alternatives pour contrer l’impact des limaces et des petits rongeurs

Pour Benoît Chorro, l’impact des limaces sur la levée des cultures peut donc être limité sans intensifier le travail du sol, en combinant une série de mesures préventives: rééquilibrage du rapport C/N des résidus dans la rotation, mise en place de condition favorables au démarrage rapide des cultures (modification des dates de semis, fertilisation localisé) et insertion des plantes compagnes pouvant jouer le rôle de leurre (exemple du colza associé). Pour contrer les pullulations de petits rongeurs, des méthodes alternatives au travail du sol existent également, basées sur l’établissement de conditions favorables à leur prédation naturelle (broyage de pailles, installation de perchoirs).

Légende première image : Résidus laissés au champ en cours de décomposition dans une parcelle de maïs chez Dominique Gaborieau à Genouillé. Crédit: Lara Millan, juin 2022.

Comment convertir ses terres à l’agriculture biologique sans intensifier son travail du sol ?

Comment convertir ses terres à l’agriculture biologique sans intensifier son travail du sol ?

Dans le deuxième épisode du podcast Radio Carbone, qui donne la parole aux agriculteurs du programme, nous nous intéressons à la réduction du travail du sol en agriculture biologique (AB).

Le cas d’Heinrich en Côte d’Or : la conversion à l’agriculture biologique

Si la conversion à l’AB entraîne généralement une amélioration du bilan carbone par la suppression des applications d’azote minéral, certains agriculteurs craignent de devoir intensifier le travail du sol pour gérer le salissement des parcelles, ce qui aurait pour effet de libérer une partie du carbone du sol par la minéralisation de la matière organique. C’est le cas d’Heinrich, agriculteur en Côte d’Or (21) engagé dans le programme carbone Soil Capital, en non labour depuis dix ans, et qui a entamé une conversion d’une partie de sa ferme à l’AB en 2020.

Recommandations d’Icosystème : travailler sur la rotation plutôt que sur le labour

Pour Frédéric Thomas, agriculteur, fondateur de la revue TCS et formateur chez Icosystème, le labour n’est pas la solution la plus performante et comporte des risques. L’enjeu se situe plutôt au niveau de la planification de la rotation, au travers du choix des cultures, de leur enchaînement et de la couverture du sol.

Le labour, pas le plus efficace pour gérer le salissement

En AB, la gestion du salissement est un point d’attention majeur en l’absence de solution chimique. Selon Frédéric Thomas, le retournement n’est cependant pas le plus efficace pour réduire la pression adventice. En effet, « s’il permet d’éliminer les plantes présentes, le labour a une efficacité moyenne sur les graminées, et très faible sur les dicotylédones ». Par exemple, la culture de moutarde pratiquée par Heinrich produit des graines qui sont conservées dans le sol pendant des années. Frédéric Thomas préconise autant que possible de laisser les graines en surface, où la dépression est bien meilleure tant pour les graminées que les dicotylédones.

Éviter les pertes de fertilité

La gestion de la fertilité est le deuxième challenge principal de l’AB. En effet, en l’absence d’engrais minéraux on manque souvent de fertilité disponible, en d’autres termes, de flux de fertilité. Avec 2,9 % de matière organique en moyenne, les sols de Heinrich disposent d’une certaine réserve de fertilité, appelée “auto-fertilité” par Frédéric Thomas. Or le labour entraîne une activité minéralisatrice importante, et donc la libération d’une quantité importante de nutriments. “Si au printemps tardif, ces flux de fertilité peuvent être valorisés par les cultures, à la fin de l’automne la croissance végétative est beaucoup plus faible et on peut assister à des fuites importantes. Ce risque de pertes est accentué dans un contexte où les parcelles n’ont pas été labourées depuis de nombreuses années, où l’on pourrait presque assister à un effet prairie.” Le pilotage de l’auto-fertilité est donc central en AB, “il va falloir apprendre à utiliser l’auto-fertilité déjà présente dans les sols, la recycler et la conserver, voire même la faire progresser”.

Travailler sur la rotation

Frédéric Thomas explique que le double objectif de contrôle du salissement et gestion de la fertilité peut être atteint au travers de la rotation des cultures. Il conseille de réduire la part de cultures d’hiver (blé d’hiver, colza, moutarde d’hiver…), qui représente entre 50 et 70 % de l’assolement de Heinrich, mais sont peu adaptées à l’agriculture biologique. En effet, ces cultures ont d’une part une longueur de présence importante, ce qui laisse le temps au salissement de s’installer, et d’autre part ont des cycles de croissance décalés par rapport aux cycles naturels de minéralisation.

Frédéric Thomas suggère d’orienter la rotation vers des cultures de printemps (blé de printemps, orge de printemps, moutarde de printemps…) car ces cultures permettent de mieux contrôler les adventices. Les cultures de printemps ont des cycles végétatifs qui coïncident mieux avec la minéralisation naturelle de la matière organique, et permettent par ailleurs d’implanter des couverts végétaux importants (couverts d’été voire d’hiver jusqu’à l’installation de la culture) et d’alimenter le système en carbone et en fertilité.

Frédéric Thomas mentionne par ailleurs le fait que les cultures de printemps sont l’occasion d’implanter des légumineuses semi-pérennes (trèfle blanc, luzerne…), qui permettent de couvrir facilement les intercultures tout en rechargeant la fertilité.

En fin de rotation ou en relais de rotation, il peut être par ailleurs judicieux de les garder une année de plus pour restaurer les structures, capitaliser un maximum de matière organique et de fertilité et nettoyer les parcelles.

Enfin, derrière les céréales, Frédéric Thomas propose de maximiser la couverture en enchaînant un couvert d’été avec une plante en C4* productrice de biomasse comme le sorgho, suivi d’un couvert relais “légumix” féverole-pois-vesce avant une culture de printemps. En cas de flux de fertilité importants, il est possible de pourquoi ne pas plutôt se diriger vers un relais de seigle qui  pourrait permettre d’envisager l’implantation d’un soja en semi-direct dans le couvert de seigle roulé. Ce dernier enchaînement a fait l’objet de nombreux travaux par l’ISARA de Lyon, et se montre efficace pour maîtriser les adventices.

*plante ayant un mécanisme de photosynthèse particulier adapté à un climat chaud comme le sorgho ou le maïs

La réussite de la conversion à l’agriculture biologique

En guise de conclusion, Frédéric Thomas imagine l’enchaînement représenté schématiquement ci-dessous, qui permettrait  de “minimiser le travail du sol et maximiser la couverture du sol ainsi que la production de biomasse, pour être constamment en recharge de la fertilité et rentrer un maximum d’azote dans le système”.

Dans ce podcast, Frédéric Thomas nous montre que des itinéraires en non labour avec une minimisation du travail du sol sont envisageables, à condition de choisir des cultures et couverts adaptés. En AB, la maîtrise des adventices et la gestion de la fertilité doivent donc absolument être envisagées à l’échelle du système, grâce entre autres à des enchaînements efficaces et une couverture maximale du sol.

Illustration

Mélange variétal de blé ancien conduit en bio sous couvert permanent de trèfle violet chez Philippe Houdan à Châtillon-Sur-Seine. Crédit : Maxime Alaurent, juin 2022.

Comment réussir ses couverts végétaux en conditions sèches ?

Comment réussir ses couverts végétaux en conditions sèches ?

Le premier épisode du podcast Radio Carbone est consacré aux couverts végétaux d’interculture, levier d’amélioration central du bilan carbone d’une parcelle agricole, mais dont l’implantation reste délicate en conditions sèches.

Question de Frédéric en Charente: comment réussir ses couverts d’interculture?

Frédéric, agriculteur en Charente (Nouvelle-Aquitaine), est engagé dans le programme carbone Soil Capital. Il nous a sollicité dans sa réflexion afin de sécuriser la réussite de ses couverts d’interculture entre une céréale à paille récoltée en été et une culture de printemps (tournesol, maïs, lin…). Frédéric sème un couvert de phacélie (5 kg/ha) en septembre qu’il détruit mi-novembre, et la biomasse produite dépasse rarement une demi tonne de matière sèche .

Recommandations d’Icosytème pour améliorer ses couverts végétaux

Matthieu Archambeaud, agronome spécialisé en agroécologie et président d’Icosystème, répond à Frédéric en mettant en évidence deux pistes majeures pour améliorer la production de biomasse des couverts en conditions sèches.

Diversifier le couvert

Matthieu Archambeaud rappelle que la multiplication des espèces et l’introduction de légumineuses dans les couverts augmente les chances de réussite. En effet, la phacélie est une espèce particulièrement versatile dont le développement dépend fortement des conditions d’humidité et de la disponibilité en fertilité dans le sol. La semer seule en conditions sèches réduit les chances de son succès. Matthieu recommande plutôt à Frédéric de passer à des couverts de minimum 4-5 espèces, pour pouvoir s’adapter aux conditions de sol au moment du semis. Matthieu suggère aussi l’ajout d’une crucifère (exemple radis fourrager), de légumineuses (pois fourrager, féverole, vesce…), de lin, d’avoine… et insiste par ailleurs sur le choix des espèces en vue de leur destruction. Pour des vesces par exemple, les vesces communes de printemps sont plus faciles à détruire.

Avancer la date de semis…

Lorsqu’on sème un couvert le 15 septembre et on le détruit le 15 novembre, la production de biomasse est relativement faible car les sommes de température en octobre et novembre sont réduites (trois fois moins de degrés jours en octobre qu’en août). Pour Matthieu, les huit ou neuf mois qui s’écoulent entre la récolte en juillet et le semis d’un tournesol et d’un maïs au mois d’avril nous offrent deux  possibilités principales pour maximiser le développement. La première solution est d’avancer la date de semis, au travers d’une “orientation semi-direct” qui va consister à semer le couvert le plus tôt possible après la récolte, avec un semoir spécifique. Le couvert atteindra la maturité (floraison) au mois d’octobre-novembre et sera alors détruit à la fin de son cycle et dans de bonnes conditions. Cette orientation, qui permet de maintenir une destruction précoce, est cependant assez spécialisée et se retrouve dans des systèmes relativement avancés, où l’on observe même la mise en place d’un deuxième couvert “relais” implanté à l’automne pour faire la jonction avec le printemps.

A gauche : Semences de couvert multi-espèce tournesol – féverole – avoine – vesce. Crédit: Thomas Lecomte, août 2020.
A droite : Semences mélange multi-espèces blé – pois protéagineux. Crédit: Thomas Lecomte, juillet 2020.

 …ou reculer la destruction

La deuxième solution pour maximiser le développement du couvert consiste à maintenir des dates de semis tardives mais repousser la date de destruction. Elle est probablement plus accessible compte tenu du matériel disponible sur la ferme de Frédéric (pas de semoir de semis direct) et des dates de semis à partir du mois de septembre. Le couvert remplira sa fonction de protection et de structuration des sols durant l’hiver, et sera alors détruit trois mois après la date initiale, à partir du 15 février pour des cultures comme le tournesol ou le maïs. Si le couvert est constitué d’une bonne part de légumineuses, il se détruira facilement et rapidement et sera par ailleurs capable de relarguer de la fertilité pour la culture qui suit. Par contre, dans le cas du lin qui est semé beaucoup plus tôt, il est nécessaire que le couvert ait quasiment finalisé son cycle à l’entrée de l’hiver, et c’est plutôt l’anticipation de la  date de semis qui est à privilégier.

Couvert végétal mélange d’avoine, phacélie et féverole. Crédit: Maxime Alaurent, juin 2022

Réussir ses couverts végétaux

Différentes pistes existent pour améliorer la réussite des couverts végétaux en conditions sèches. Certaines, comme la diversification des espèces semées ou l’allongement de la durée du couvert sont relativement accessibles et ne nécessitent pas de matériel supplémentaire, tandis que d’autres, comme le semis direct ou la mise en place d’un couvert relais, sont plus techniques et nécessitent un investissement supérieur. Matthieu recommande de privilégier les premières à court-terme, alors que les dernières, optimales en termes de services rendus, relèvent plus d’un objectif à long-terme.

Couvert de phacélie en fleur à Meux en Belgique. Crédit : Maxime Alaurent, juin 2022

Références

Légende première image : Couvert de phacélie / sarrasin. Crédit: Maxime Alaurent, juin 2022.