Introduire des légumineuses dans les couverts pose-t-il un risque sanitaire sur les cultures de protéagineux ?

Introduire des légumineuses dans les couverts pose-t-il un risque sanitaire sur les cultures de protéagineux ?

Dans le septième épisode du podcast Radio Carbone, nous nous intéressons aux risques sanitaires liés à l’utilisation des légumineuses en couverts d’interculture, dans les rotations comportant déjà des protéagineux. En effet, l’intégration de légumineuses dans les rotations, sous forme de cultures de rentes (pois protéagineux, féverole, luzerne…) ou de cultures de services (plantes associées, couverts d’intercultures) présentent de multiples intérêts tels que la fin de la rotation, la fixation symbiotique d’azote, et le développement des mycorhizes. L’utilisation de certaines espèces dans les couverts doit faire l’objet d’une attention particulière, afin de ne pas favoriser l’émergence ou le maintien de certaines maladies affectant les cultures de rentes.

Question d’Alain en Charente-Maritime

Alain, agriculteur en Charente-Maritime (Nouvelle-Aquitaine), est engagé dans le programme carbone Soil Capital. Il se demande si augmenter la part de légumineuses dans ses couverts végétaux pourrait poser un risque sanitaire pour ses cultures de protéagineux (18 % de sa SAU en 2022).

Recommandations d’Icosytème vis-à-vis des légumineuses

Gilles Sauzet répond à Alain en soulignant l’importance de la connaissance du potentiel infectieux de son sol et du choix des espèces et variétés utilisées. Selon l’expert, l’attention doit être portée à deux maladies fongiques en particulier: l’aphanomyces et le botrytis.

Aphanomyces 

L’aphanomyces (Aphanomyces euteiches) est une pourriture racinaire affectant des légumineuses telles que la lentille ou le pois. Les symptômes sont une chlorose des feuilles et plus globalement une dégénérescence des plantes qui peuvent occasionner des pertes importantes.

Gilles rappelle tout d’abord que la rotation est le premier levier pour préserver l’état sanitaire du sol: si un délai de minimum 5 ans est souvent préconisé avant de revenir avec un protéagineux sensible (voir encadré) sur une même parcelle, il conseillé d’étendre cette période de retour à 7 ans si des espèces sensibles sont également incluses dans les couvert. Par ailleurs, Gilles recommande vivement de réaliser un test sol pour connaître le potentiel infectieux des parcelles. Les notes de potentiel infectieux (PI) varient de 0 à 5:

  • PI < 1 : parcelle peu ou pas infestée (pathogène globalement non détecté)

Possible d’intégrer des légumineuses en couverts associés ou interculture, en privilégiant tout de même des espèces (ou variétés) résistantes du fait de la présence de protéagineux sensibles dans la rotation.

  • 1 < PI < 2,5 : parcelle moyennement infestée

Des dégâts peuvent apparaître sur des protéagineux de printemps comme le pois et la lentille. Il faut donc choisir des espèces résistantes à très résistantes dans les couverts associés ou en interculture.

  • PI > 2,5 :  parcelle fortement infestée (présence avérée de l’inoculum)

Présence de légumineuses non résistantes totalement déconseillées. Si intégration de légumineuses en association ou dans les couverts d’interculture, opter pour des espèces telles que la féverole, le lupin ou le fenugrec.

En l’absence de test sol, Gilles préconise d’utiliser uniquement des espèces/variétés résistantes à très résistantes.

Classification de quelques espèce de légumineuses en fonction de la sensibilité à l’aphanomyces

  • Espèces sensibles (plantes hôtes qui multiplient le pathogène): pois, lentille, luzerne, certaines variétés de trèfles, vesces, gesses, haricots vert et rougeEspèces non hôtes: pois chiche, lupin, lotier, fenugrec
  • Espèces hôtes mais résistantes: féverole, soja et sainfoin
  • Espèces sensibles à variétés résistantes: trèfle d’Alexandrie (var. Tabor), trèfle incarnat, trèfle violet, trèfle blanc, vesce commune

Voir publication de Terre Inovia et Arvalis (2017)

Botrytis

Le botrytis (Botrytis cinerea) est une maladie aérienne affectant principalement la féverole. Les plantes atteintes présentes de nombreuses petites taches brunes. La maladie se développe par temps humide et doux, et les spores sont transportés par le vent.

Pour Gilles, le principale risque se présente dans le cas des féveroles semées et levées précocément, par exemple en début d’été dans un couvert d’interculture, qui peuvent contaminer en hiver une féverole destinée à être récoltée située dans une parcelle voisine. Le risque est accru lorsque les féveroles de rente sont semées précocement et avec une forte densité. Si la situation se présente, Gilles recommande de détruire le couvert précocement.

Conclusion

La présence de certaines légumineuses dans les couverts d’interculture ou comme plantes associées peut contribuer à maintenir des pathogènes affectant des cultures de protéagineux, en particulier l’aphanomyces. Cependant, à condition d’un choix d’espèces et variétés adaptées, et d’une surveillance (dans la mesure du possible) du potentiel infectieux du sol, le risque peut être grandement limité, voire éliminé. Le risque maladie est donc un critère d’attention, et non pas d’exclusion, des légumineuses en couverts dans les systèmes de cultures comportant des protéagineux.

Légende première image : Culture de pois dans la Vienne, juin 2022.

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Pour continuer la réflexion : https://agriculture-de-conservation.com/Couverts-vegetaux-et-maladies-1.html

Faut-il composter le fumier avant de l’épandre?

Faut-il composter le fumier avant de l’épandre?

Soil Capital est régulièrement questionné sur la faisabilité agronomique de certaines pratiques agricoles bénéfiques au bilan carbone d’une exploitation. Le sixième épisode du podcast Radio Carbone est consacré aux apports de produits organiques, levier d’amélioration significative du bilan carbone d’une parcelle agricole, mais dont les formes (fumiers ou composts dans cet article) et les effets sur le sol (stockage de matière organique et stimulation de la vie du sol notamment) peuvent être très variables. 

Question de Xavier en Haute-Marne: ai-je intérêt à composter mon fumier avant de l’épandre?

Xavier, agriculteur en Haute-Marne (52, Région Grand-Est), est engagé dans le programme carbone Soil Capital. Il nous a sollicité dans sa réflexion pour savoir si l’épandage de fumier frais est le meilleur moyen de valoriser la matière organique qu’il a à sa disposition, en termes de bénéfices agronomiques, ou s’il ne serait pas plus avantageux de le composter. En agriculture biologique, Xavier épand actuellement du fumier équin et bovin frais sur ses parcelles.

Recommandations de Celesta-lab vis-à-vis du compostage des fumiers

En partenariat avec Icosystème, Thibault Déplanche, directeur du laboratoire Celesta-lab*, répond à Xavier en soulignant que chaque type de produit organique comporte des avantages et inconvénients, et que le choix de l’un ou l’autre dépend de l’objectif agronomique poursuivi.

*Laboratoire spécialisé dans l’analyse, l’étude et le conseil en biologie des sols et valorisation des produits organiques

Bénéfices et risques des composts et fumiers

Thibaut explique que le compostage permet d’obtenir un carbone très stable, car les formes carbonées digestibles (facilement minéralisables) ont été consommées sous forme d’activité biologique (et donc de production de dioxyde de carbone – CO2) pendant le processus. Cette perte du carbone digestible est la raison pour laquelle on constate une réduction de volume d’un fumier composté. Par conséquent, l’apport de compost aura pour principal effet l’enrichissement du sol en carbone stable, et donc le renforcement du stock de matière organique à long-terme.

L’effet d’un apport de fumier frais est double: il constitue un apport de carbone stable similaire au compost, mais est également une source de carbone digestible qui va nourrir la biologie du sol et stimuler les micro-organismes. Cependant, le fumier frais a une “plage d’utilisation” plus faible que le compost, car il est plus difficile à épandre, et comporte des pathogènes et graines d’adventices que le processus de compostage permet d’éliminer (hygiénisation par la montée en température).

Fumier composté Crédit : Matthieu Delespesse, août 2022

Choix du produit en fonction de l’objectif

Si l’on cherche à augmenter rapidement la teneur en matière organique stable du sol, Thibaut recommande d’apporter du compost, car il est peu risqué et peut être apporté en grandes quantités. A titre de comparaison, un apport de 50 tonnes par hectares (t/h) de compost peut facilement être envisagé (à condition d’avoir les ressources financières), tandis qu’épandre 50 tonnes de fumier frais peut être beaucoup plus risqué, en fonction de la teneur en paille et de la fragilité des sols.

Par contre, si l’on cherche à stimuler la vie du sol et à améliorer la structure à très court terme, un apport de fumier frais est plus opportun. En ce qui concerne la quantité à apporter, Thibaut indique qu’un apport de 20 t/ha permet de minimiser les risques. Dans le cas particulier de la ferme de Xavier, dont les sols sont riches en matière organique (5%), “on a probablement plus de résilience qui permettrait de monter à environ trente à quarante tonnes sans rencontrer de grosses problématiques”. Cependant, dans un contexte d’agriculture biologique où la fertilisation azotée est plus compliquée à maîtriser, Thibaut limiterait les apports de vingt à trente tonnes.

Choisir son objectif agronomique 

Pour Thibaut, le choix entre un fumier et un compost est tout d’abord une question d’objectif agronomique. 

  • Si l’objectif est d’augmenter rapidement le stock de matière organique sans prendre de risques, le compost est à privilégier. 
  • Si une stimulation de l’activité biologique est également recherchée, l’apport de fumier est plus indiqué. Dans ce cas, il est important de réfléchir sur les quantités à épandre en fonction de la résilience du sol et des caractéristiques du produit (notamment la teneur en paille pour son influence sur le C/N et l’épandabilité du fumier).

Légende première image : Fumier de bovin épandu pour des chaumes de céréales. Belgique. Crédit : Matthieu Delespesse, août 2022

Comment optimiser l’irrigation des couverts végétaux dans les Alpes-de-Haute-Provence ?

Comment optimiser l’irrigation des couverts végétaux dans les Alpes-de-Haute-Provence ?

Dans le cinquième épisode du podcast Radio Carbone, la question de l’irrigation des couverts végétaux dans les contextes estivaux arides est abordée. Cela représente potentiellement un enjeu crucial, dans le sud de la France en particulier, où les échecs répétés de l’implantation des couverts ont entraîné leur délaissement par un certain nombre d’agriculteurs. Or la couverture du sol est cruciale dans ces régions, et les couverts placés dans les intercultures, souvent longues, est un levier central pour ramener du carbone au sol et contrer la tendance globale d’assèchement. 

Le cas de Nicolas dans les Alpes-de-Haute-Provence : comment optimiser l’irrigation des couverts végétaux?

Nicolas, agriculteur dans les Alpes-de-Haute-Provence (04) engagé dans le programme carbone Soil Capital, a bien compris l’intérêt pour la pérennité de son système de maximiser le développement des couverts. Il irrigue ses cultures, et se pose des questions quant à l’intérêt d’apporter également de l’eau sur ses couverts. Plus largement, il se demande quel est l’impact d’un couvert végétal productif en interculture sur le bilan hydrique total, et s’inquiète d’un risque de concurrence vis-à-vis de la ressource en eau entre le couvert et la culture suivante. 

Recommandations d’Icosystème : une irrigation utile en cas de sécheresse tout en adaptant la date de destruction

Pour Benoît Chorro, agronome et formateur chez Icosystème, un couvert d’interculture productif améliore le bilan hydrique à court terme (amélioration de l’infiltration et réduction des pertes par évaporation) et long terme (augmentation de la capacité de rétention). Un apport d’eau pour favoriser la levée des couverts est donc utile en cas de sécheresse prolongée, et la concurrence sur l’eau pourra être évitée en choisissant judicieusement la date de destruction.

Un levier de réussite parmi d’autres

Sous les climats méditerranéens, certaines situations sont défavorables à la levée des couverts, comme “les semis d’été plusieurs jours après la moisson, qui ne bénéficient pas des remontées d’eau par capillarité”. Dans ce contexte, si l’on investit environ cent à cent cinquante euros dans un couvert (semis + semences), pour Benoît Chorro, il est clairement stratégique d’apporter vingt-cinq à trente millimètres afin d’assurer le retour sur investissement. Cependant, il insiste sur le fait que cet apport d’eau doit uniquement servir à faire lever le couvert en cas de sécheresse prolongée. Par la suite, les pluies d’orage suffisent pour répondre aux besoins des plantes. Benoit Chorro rappelle cependant que c’est un ensemble de facteurs qui contribue à atteindre l’objectif de démarrage d’un couvert végétal, c’est-à-dire une levée rapide avec une bonne densité et une bonne homogénéité pour éviter le salissement des parcelles :

  • La profondeur de semis: jusqu’à cinq centimètres, quelque soit la taille des graines
  • Roulage du semis: favorise le contact sol-graine et améliore la qualité de l’irrigation
  • Choix des espèces: privilégier celles qui ont une bonne capacité de germination en condition de stress hydrique, comme  les vesces pourpres et velues, ou le trèfle incarnat pour les légumineuses, ou encore la moutarde d’abyssinie, le nyger et la caméline. Éviter le tournesol et le mélilot plus difficile à faire germer. Par ailleurs, les graminées en C4* (maïs ou encore sorgho) peuvent produire des biomasses importantes en conditions sèches, et l’avoine brésilienne assure une prospection racinaire en profondeur favorisant l’infiltration.

*plante ayant un mécanisme de photosynthèse particulier adapté à un climat chaud comme le sorgho ou le maïs

Couvert multi-espèces. Décembre 2019

Des bénéfices pour le bilan hydrique…

Benoît Chorro explique qu’en terrain séchant, la couverture végétale du sol permet d’une part d’augmenter l’efficacité de la pluviométrie en améliorant l’infiltration, et d’autre part de mieux valoriser l’eau en réduisant l’évaporation. L’agronome rappelle également qu’une augmentation d’un pourcent de matière organique améliore en moyenne de dix pourcents la réserve utile (RU). A long-terme, la production de biomasse et l’apport de carbone au sol sont cruciaux pour augmenter la capacité de rétention du sol.

à condition de bien choisir la date de destruction

Pour que la consommation d’eau du couvert n’impacte pas le développement de la culture de rente, Benoit Chorro souligne que la date de destruction doit faire l’objet d’un “arbitrage en fonction des besoins de la culture suivante, la météo à venir et la réserve utile théorique du sol”. En premier lieu, il insiste sur la nécessité d’observer le sol, et en particulier l’enracinement du couvert et l’état de structure/humidité. Dans les sols à relativement faible réserve utile comme ceux de Nicolas, il peut être judicieux de détruire le couvert d’hiver environ trois semaines ou un mois avant l’implantation des cultures de printemps. Dans d’autres contextes plus favorables, Benoit Chorro explique cependant que l’on parvient à semer certaines cultures directement dans les couverts en place, mais cela exige par ailleurs une maîtrise technique et de l’équipement spécifique.

Optimiser l’irrigation de ses couverts végétaux

L’irrigation est, pour Benoît Chorro, un outil supplémentaire pour assurer la réussite des couverts et doit s’inscrire dans une stratégie agronomique globale. Ce qui est certain, c’est que la maximisation de la couverture du sol n’est pas du tout antagoniste de la disponibilité en eau. Au contraire, plus les sols seront couverts et plus la production de biomasse est importante, plus ils seront capables de stocker et infiltrer de l’eau. Pour Benoît Chorro, cela démontre une fois de plus que régénération des sols et production sont complémentaires.

Légende première image : Couvert de phacélie en fleur à Meux en Belgique. Crédit : Maxime Alaurent, Juin 2022.

Comment se préparer pour mettre en place du maïs semences en Techniques Culturales Simplifiées ou semis direct ?

Comment se préparer pour mettre en place du maïs semences en Techniques Culturales Simplifiées ou semis direct ?

Dans le quatrième épisode du podcast Radio Carbone, Benoit Chorro, agronome et formateur chez Icosystème, répond à Pascal, agriculteur dans le Puy-de-Dôme (63) engagé dans le programme carbone Soil Capital.

Le cas de Pascal dans le Puy-de-Dôme : la simplification du travail du sol en maïs semences

Pascal se demande dans quelle mesure la simplification du travail du sol est-elle possible en maïs semences, sans impacter le rendement ni la qualité, tout en évitant d’augmenter la consommation d’herbicides. La simplification du travail du sol, qui permet de minimiser la minéralisation de la matière organique et ainsi améliorer le bilan carbone, pose en effet un certain nombre de défis techniques pour l’implantation des cultures de printemps (lit de semences, fertilité, réchauffement, humidité et gestion des adventices). 

Recommandations d’Icosystème : le strip-till, préparer la ligne de semis en laissant l’inter-rang intact

Pour Benoît Chorro, la technique du strip-till est la plus adaptée pour ce type de culture, même s’il rappelle que la réduction du travail du sol est avant tout une question d’état du sol avant d’être un questionnement technique, et ne peut donc s’envisager qu’après un diagnostic de structure précis du sol.

Commencer par observer et diagnostiquer

Benoit Chorro insiste sur le fait que si elle est mise en place dans des conditions inadéquates, “la simplification du travail du sol comporte une série de risques, dont le salissement des parcelles ou des échecs d’implantation des cultures, qu’il ne faut pas sous-estimer”. Il faut donc en premier lieu réaliser un diagnostic de structure à l’aide d’un test bêche, un profil 3D ou encore une fosse pédologique. Les deux conditions à réunir sont:

  • Une bonne verticalité, permettant la circulation de l’air et de l’eau et ne présentant pas d’obstacles physiques au développement racinaire
  • Une structure de surface grumeleuse pour constituer un bon lit de germination.

Si ces deux conditions ne sont pas respectées, le travail mécanique peut aider à rétablir un meilleur contexte de germination et de développement de la culture.

Le compromis du strip-till

Lorsque le sol est bien structuré, la simplification du travail du sol est tout à fait envisageable. Si le semis direct du maïs (semences ou grain) dans des couverts vivants reste une technique peu répandue compte tenu des limites des matériels de semis direct dans ces conditions (présence de débris…), le strip-till, qui consiste à préparer la ligne de semis tout en laissant l’inter-rang intact, montre de très bons résultats dans des couverts vivants.

Le couvert de féverole est généralement favorisé, car cette espèce est sensible au gel, est caractérisée par des résidus noirâtres qui favorisent le réchauffement du sol et fixent l’azote de l’air. Cette couverture de légumineuse permet par ailleurs un meilleur contrôle des adventices grâce à la formation d’un paillage, et peut fournir entre trente et quarante unités d’azote à la culture suivante lors de sa dégradation. Le strip-till permet de créer des conditions hyper favorables à la croissance du maïs (structure, évacuation des débris et réchauffement) mais il ne faut pas négliger l’intérêt d’une fertilisation localisée au semis pour pallier la minéralisation moindre en travail du sol ultra simplifié.

Exemple d’itinéraire d’implantation typique de maïs en strip-till

Benoit Chorro donne finalement l’exemple d’un itinéraire d’implantation typique de maïs en strip-till dans un couvert de féverole, dans le contexte du sud-ouest de la France:

  • Semis d’un couvert relais de féverole au mois de novembre
  • Pré-traçage des rangs de maïs environ un mois avant le semis de la culture.
  • Semis du maïs au semoir monograine dans les rangs pré-travaillé (RTK Real-time kinematic positioning* nécessaire), avec si besoin un apport d’engrais localisé dans la ligne de semis (entre dix et vingt unités d’azote et de phosphore).

La féverole est généralement détruite après le semis du maïs chimiquement ou par roulage. Noter également que plusieurs types de préparation des bandes sont possibles en fonction du type de sol principalement. En sol limoneux, l’utilisation d’une dent à environ quinze à vingt centimètres est possible, mais dans les sols argileux seuls les éléments de travail superficiels peuvent être utilisés au printemps.

*technique de positionnement par satellite

Le strip-till : la solution pour le maïs semence

A condition d’avoir un sol bien structuré, le strip-till est la solution technique la mieux maîtrisée pour implanter du maïs en minimisant le travail du sol, car elle permet de combiner couverture végétale et faible perturbation du sol, tout en sécurisant la levée et le développement du maïs. 

Légende première image : Rang de maïs semé après strip-till. Résidus de paille non exportés chez Dominique Gaborieau à Genouillé. Crédit : Lara Millan, Juin 2022.

Limaces et mulots en non-labour, quelles solutions ?

Limaces et mulots en non-labour, quelles solutions ?

Dans le troisième épisode du podcast Radio Carbone, la gestion des limaces et petits rongeurs est abordée.  En Agriculture de Conservation des Sols, la réduction du travail du sol et la présence de résidus en surface peut en effet parfois entraîner leur prolifération.

Le cas de Nicolas en Eure-et-Loir : comment gérer les limaces et petits rongeurs?

Nous apportons une réponse à Nicolas,  agriculteur en Eure-et-Loir (28) engagé dans le programme carbone Soil Capital, qui constate des dégâts importants sur ses cultures de colza et pois, ainsi que dans ses couverts végétaux. Il se demande comment limiter la pression de ces ravageurs sans devoir intensifier le travail du sol ni augmenter sa consommation de produits phytosanitaires.

Recommandations d’Icosystème : une gestion multifactorielle des ravageurs

Selon Benoît Chorro, agronome et formateur chez Icosystème, la gestion des limaces et petits rongeurs doit être multifactorielle, en combinant des leviers à l’échelle du système de culture et des itinéraires techniques.

Abaisser le rapport C/N (rapport Carbone sur Azote) des résidus

Pour limiter la pression des limaces, Benoit Chorro insiste en premier lieu sur l’équilibrage de la ration du sol à l’échelle de la rotation. Les céréales à paille installent un contexte favorable au développement des limaces, car les pailles constituent un environnement très carboné qui va inciter ces ravageurs à se tourner vers la biomasse vivante (culture ou couvert végétal) au rapport C/N plus faible. L’intégration de légumineuses, ou les échanges paille-fumier sont donc des moyens efficaces pour réduire le rapport C/N des résidus et accélérer la transformation de la matière organique riche en carbone.

Un premier levier technique : la gestion des pailles

Au niveau technique, Benoit Chorro évoque tout d’abord la gestion des pailles et des menues pailles. Lorsqu’on les broie, il est important de bien les répartir, et éventuellement de procéder à un léger mulchage pour accélérer la dégradation des pailles si le sol n’est pas capable de les assimiler suffisamment rapidement. Le mulchage, tout comme les passages de herse à paille, est généralement efficace pour lutter contre les limaces (et petits rongeurs), mais perturbe également leurs prédateurs naturels (carabes, staphylins), dont la croissance de la population pour atteindre un équilibre naturel de régulation peut prendre plusieurs années.

Un autre levier technique : la gestion du semis

Ensuite, Benoit Chorro évoque la modification des dates de semis. Les premiers stades de développement des cultures étant les plus sensibles, semer à une période favorable à la croissance végétative peut réduire la nuisibilité. En automne, avancer un peu la date de semis permet aux céréales d’atteindre rapidement des stades de moindre sensibilité que lorsque les semis sont effectués plus tard dans la saison, où les conditions froides ralentissent la croissance. Au printemps, la tendance est plutôt au retardement des semis pour assurer un démarrage rapide dans des conditions de réchauffement et de fertilité plus favorables.

En colza, toujours dans le but d’assurer une démarrage rapide de la culture, une fertilisation localisée au semis peut être appliquée. Benoit Chorro mentionne également l’implantation de plantes compagnes (féveroles, trèfles, vesces, gesses, nyger, caméline…) avec le colza qui peut dans certains cas détourner une partie des limaces vers ces plantes de service.

Favoriser les ennemis naturels des rongeurs

Sans travail du sol, le seul moyen d’empêcher les pullulations de rongeurs est de favoriser ses prédateurs naturels (rapaces, renards). Dans les parcelles, le broyage des pailles offre un meilleur accès au sol aux rapaces, qui dans des pailles hautes risqueraient de se blesser. Autour des parcelles, Benoit Chorro conseille de disposer des perchoirs pour permettre aux rapaces de se reposer et guetter leurs proies.

Vue en coupe aérienne-racinaire chaume de blé. Crédit : Thomas Lecomte, septembre 2020

Des méthodes alternatives pour contrer l’impact des limaces et des petits rongeurs

Pour Benoît Chorro, l’impact des limaces sur la levée des cultures peut donc être limité sans intensifier le travail du sol, en combinant une série de mesures préventives: rééquilibrage du rapport C/N des résidus dans la rotation, mise en place de condition favorables au démarrage rapide des cultures (modification des dates de semis, fertilisation localisé) et insertion des plantes compagnes pouvant jouer le rôle de leurre (exemple du colza associé). Pour contrer les pullulations de petits rongeurs, des méthodes alternatives au travail du sol existent également, basées sur l’établissement de conditions favorables à leur prédation naturelle (broyage de pailles, installation de perchoirs).

Légende première image : Résidus laissés au champ en cours de décomposition dans une parcelle de maïs chez Dominique Gaborieau à Genouillé. Crédit: Lara Millan, juin 2022.

Lettre Carbone : Conseils pour réussir les semis de couverts

Lettre Carbone : Conseils pour réussir les semis de couverts

La sécheresse extrême de cette année complique à nouveau l’implantation des couverts végétaux dans de nombreuses régions, alors que ceux-ci représentent un levier agronomique majeur pour évoluer vers un système plus solide face aux aléas climatiques. Ils constituent aussi un des principaux facteurs d’amélioration du bilan carbone. Voici quelques pistes pour maximiser la réussite de vos couverts dans ces conditions.

Semer le plus tôt possible

Comme Matthieu Archambeaud (d’Icosystème) le mentionnait dans le premier épisode du podcast Radio Carbone consacré aux couverts végétaux, semer le plus tôt possible (derrière la récolte) est généralement un facteur de succès. Si les techniques adéquates sont employées, un couvert semé tôt, même dans le sec, fait généralement déjà de la racine qui permet une valorisation maximale des premières pluies, et accumule des sommes de température fondamentales pour son développement futur. En attendant la première averse pour semer, on court le risque d’une moindre valorisation de l’eau, dans un horizon de surface qui va rapidement se ré-assécher.

En semis direct

L’utilisation d’un semoir de semis direct à dents fines de semis direct est dans de nombreuses situations la technique maximisant la qualité de l’implantation (intervention rapide, conservation de l’humidité résiduelle…). En conditions sèches, rouler les semis améliorera par ailleurs le contact sol-graine et refermera la ligne efficacement. Cette orientation “semis direct” nécessite par ailleurs une très bonne répartition des pailles et menues pailles, qui peut être complétée par un passage de herse à paille ou d’un déchaumage très superficiel (moins de 5 cm).

Semer profond

Une profondeur de semis importante de 4 à 5 cm est idéale pour optimiser la levée. En effet, à cette profondeur les graines ne germeront pas tant que le profil n’aura pas été suffisamment ré-humecté, ce qui par la suite réduit les risques de dessèchement des plantules. En semis direct, avantage encore une fois au semoir à dents en conditions sèches qui pénètre plus facilement la surface du sol que des disques. 

Si un déchaumage très superficiel peut permettre de maintenir le peu de fraîcheur dans le sol et limiter l’évaporation par remontées capillaires (comme un binage), attention à ne pas descendre sous la profondeur de semis et veiller à placer les graines sur le fond de travail. Le cas de figure le plus défavorable pour un semis d’été est une succession déchaumage profond qui assèchent le sol suivi d’un semis superficiel dans un sol complètement sec (exemple des semis de colza 2021).

Les implications du semis tardif

Si le semis tardif ne peut être évité (contraintes techniques, logistiques..), il est préférable de repousser la date de destruction après l’hiver, afin que le couvert ait le temps de remplir sa fonction de protection et de structuration des sols. Si le couvert est constitué d’une bonne part de légumineuses, il se détruira facilement et rapidement et sera par ailleurs capable de relarguer de la fertilité pour la culture qui suit. Les espèces adaptées pour le semis tardif sont par exemple l’avoine, la phacélie, la féverole, le lin, la vesce velue, la moutarde, le radis… Sont par contre à éviter toutes les espèces typées ”été” comme le tournesol, le sorgho, le moha, les trèfles…

Autre clé de réussite : la diversification des couverts

La diversification des espèces semées est également un levier clé de réussite des couverts. Quatre à cinq espèces différentes sont souvent considérées comme un minimum pour assurer un développement et une couverture optimale quelles que soient les conditions de l’année. Pour constituer le mélange, le principe général d’association est de diviser la dose de semis en pur de chaque espèce du mélange par le nombre d’espèces présentes dans le mélange, en adaptant éventuellement les densités en fonction de la vitesse de croissance (sous-dosage des crucifères ou sur-dosage des légumineuses).

Photo de couverts: féverole, phacélie et avoine. Crédit: Thomas Lecomte

Focus : les avantages face à la hausse des prix des engrais

Dans le contexte de hausse du prix des engrais, rappelons finalement un des avantages majeurs de l’implantation d’un couvert d’interculture: la restitution de nutriments pour les cultures qui suivent. Prenons l’exemple d’un couvert “biomax” constitué de radis (2 kg), phacélie (2 kg), pois (20 kg) et vesce (12 kg). Il convient bien pour les implantations de mi à fin août pour une interculture d’automne et d’hiver. S’il produit 3 tonnes de matière sèche, il fournit en moyenne (simulation avec le logiciel MERCI) l’équivalent de 110 kg d’azote, 15 kg de phosphore et 115 kg de potassium aux cultures suivantes (dont 41 kg d’azote disponible pour la culture suivante), ce qui représente plus de 250 € en “équivalents fertilisants”, phosphore et potassium compris. 

Les couverts sont possibles en conditions sèches

Les conditions sèches que nous observons actuellement impactent les dates de semis des couverts végétaux cette année mais ils restent réalisables. Certains ont pu semer directement à la fin de la moisson mais pour ceux qui n’ont pas encore pu commencer, d’autres scénarios sont possibles pour mettre en place les couverts. 

Nous sommes confiants dans leurs implantations possibles dans les semaines qui viennent. En plus de leur impact favorable dans un bilan carbone, les apports en nutriments fournis par les couverts en font, encore plus que jamais, un allié incontournable, à conserver dans le contexte actuel de la hausse des prix des engrais.

L’équipe des agronomes de Soil Capital

Matthieu Delespesse, Gilles Duhaubois, Max Morelle et Nicolas Verschuere

Légende de la première photo: champ d’orge en juillet 2022, Meuse (55). Crédit: Maud Lesure